Kidour, ce sont les peupliers des grandes plaines et la sale bête qui se tapit dans le bois d’à côté, la délicatesse de la brume et l’âpreté de la terre de labour, les stigmates des tranchées de 14-18 et les chants de Bretagne que l’on tait, la peur des ailleurs et le mystère que s’invente un enfant, au-delà de l'indigence des jours.

Auteur : Robert Vatant
© Encres : Jana Lottenburger

Conception graphique : Isabelle Dumergue
70 pages ; 10 x 15 cm
Parution : février 2020

Robert Vatant a publié de son vivant deux recueil de poésie (Les marches et le palier en 1949 et Vent de plaine en 1951) et une pièce de théâtre (Renaud le conquérant en 1954). Kidour a été présenté en 2012 sous la forme d'une lecture musicale avec deux violoncelles, accompagnée d'une projection des encres créées par Jana Lottenburger, qui illustrent aujourd'hui ce recueil.

EXTRAITS

***
Il y a les peupliers qui bruissent sans cesse dans le vent d’été,

et puis leurs feuilles tombent et n’en finissent plus de mourir,
longtemps passera dans l’air la senteur de leur agonie.
Ils sont là, au bord de l’eau.
À l’école on me désapprendra l’usage de ce verbe être :
il faudra dire qu’ils montent la garde le long du ruisseau,
ou qu’ils s’y dressent,
ou qu’ils l’ombragent,
ou qu’ils y font n’importent quoi…
Mais je te dis que ce n’est pas vrai : je les connais bien
parce que j’ai vécu avec eux avant d’aller à l’école,
parce qu’ils sont en moi avant tout ce qu’on m’a appris à l’école,
ils sont là, ils ne décident de rien, ni de monter la garde,
ni de se dresser, ni de faire de l’ombre.

***
Les veaux nous entendent arriver et meuglent.

Il faut faire bien attention quand ils se mettent à boire
parce que de temps en temps ils donnent des coups de tête
et peuvent renverser le seau si on ne le tient pas bien.
Mon père dit qu’ils font toujours comme ça quand ils tètent leur
mère.
Il dit aussi que quand je serai fort, je pourrai tenir le seau
tout seul. Mais ma mère dit que je n’aurai pas besoin de ça parce
que je serai maître d’école. Mon père me dit qu’on n’en sait
jamais trop. Je crois que c’est lui qui a raison.
Je pense à tout ce qu’il sait et qui n’est pas dans mon livre de lecture :
traire les vaches, faucher l’herbe avec une faux,
labourer en tenant les mancherons d’une charrue,
porter sur sa tête à la pointe d’une fourche un tas de foin si
gros qu’on ne voit plus que ses pieds et c’est comme si le tas
de foin marchait sur des sabots.

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"Traces"