Binyavanga Wainaina

Né en 1971, Binyavanga Wainaina poursuit ses études en Afrique du Sud lorsqu'il entame la rédaction de sa nouvelle autobiographique "Discovering Home". Le texte trouve son origine dans un long, très long email nocturne destiné à un ami, et il en conserve une forme de familiarité très particulière.

Lauréat du Caine Prize en 2002, Wainaina investit la dotation du prix dans la fondation du magazine littéraire Kwani? qui a contribué à la révélation de nouveaux auteurs kenyans. Libre penseur, iconoclaste infatigable, ouvertement gay dans un pays qui pénalise l'homosexualité, Wainaina est une figure unique de la création est-africaine, option rock'n roll.

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Discovering Home
Kwani ? - 2002
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Traduit de l'anglais (Kenya) et du swahili

 

EXTRAIT DE TRADUCTION
"En Ouganda..."

Le vert de Bufumbira n’est pas un vert tropical, un musc chaud, comme dans le Buganda ; ce n’est pas le vert discordant de la savane kenyane non plus : ces deux mois de vert qui condensent tous les éléments de la vie : les millions de gnous bleus et de zèbres, de grands carnivores festoyant pendant les pluies, les labours et les plantations frénétiques, les lits asséchés des rivières submergés par la terre et l’eau couleur de sang ; et Nairobi inondée. Ce n’est pas le vert du splendide gaspillage et de la formidable générosité que connaît mon pays. C’est un vert montagnard, frais et résistant. Les rivières et les lacs occupent chaque fente entre les montagnes qui nous entourent.

Maman a presque l’air d’une étrangère maintenant ; son accent Kinyarwanda. est plus prononcé, et son visage n’est pas aussi réservé qu’à l’habitude. Sa beauté, si exotique et intrigante au Kenya, semble tout à fait chez elle ici. Ici, elle ne ressort pas particulièrement, elle appartient à ces lieux ; et nous autres avons l’air de touristes.

Comme la route continue, je commence à être pénétré par le sens du lieu où nous nous trouvons. Nous ne sommes plus dans l’histoire du Buganda, d’Idi Amin, des Kabakas, de la guerre civile, de Museveni et de l’Espoir.

Nous sommes maintenant dans les faubourgs du théâtre où les Hutus et les Tutsi ont donné leur spectacle pour les médias du monde. Ma mère s’est toujours décrite comme quelqu’un de Bufumbira qui parle Kinyarwanda. Elle a toujours dit qu’on en faisait trop sur les différences entre Hutus et Tutsis ; et qu’ils sont en réalité franchement semblables. Elle insiste sur le fait qu’elle est Bufumbira – une Rwandaise. Oubliez le reste, dit-elle.

Je suis heureux qu’elle ait dit ça, car ça me préserve d’une tentative de compréhension. Je ne suis pas là pour le génocide ou la haine. Suffisamment de gens sont venus ici pour ça – essayez de taper « Tutsi » sur n’importe quel moteur de recherche.

Je suis ici pour ma famille.

Je demande à ma mère où se trouve la frontière avec le Rwanda. Elle la désigne, et pointe aussi le Zaïre. Les deux sont plus proches que je ne l’imaginais. Peut-être est-ce ce qui rend ce rassemblement si pressant. La vie semble tellement étonnante lorsqu’elle se tient dans les parages de la mort. Il n’y a pas d’herbe plus belle que le brin qui pointe après la première pluie.

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