Dossier d'oeuvre - Hommage à Guernica - Comoseta - 2012

Revenir à Guernica

A l’origine de cet hommage à Guernica de Pablo Picasso, il y a l’actualité, la litanie des faits, l’éternel recommencement des choses, des conflits, des guerres, de l’oppression, des atteintes à la dignité humaine… C’est en suivant l’actualité mouvementée des révolutions arabes et l’aspiration de ces peuples à recouvrer leur liberté, à se défaire de la tyrannie, que Comoseta a commencé à dessiner sa vision personnelle des pulsions éternelles et erratiques qui agitent le monde, faisant porter indéfiniment à l’homme les mêmes stigmates, indifférents aux siècles et aux latitudes.

L’élaboration de cette fresque s’est étalée sur environ 6 mois, une durée exceptionnellement longue par rapport au temps consacré habituellement à ses dessins par l'artiste. Immergé dans ce travail, quasi coupé du défilement du temps, il s'est attaché à restituer la trace, l’arrêt sur image de ce cycle de vie et de mort, de construction et de destruction, qui jamais ne prend fin.

Le point de départ du travail a été d’une part un questionnement sur la place de l’humain, d’autre part une recherche sur la représentation de la souffrance. Et rapidement, à mesure que se construisait la narration, à mesure que se traçaient les premiers éléments, les premiers personnages, l’image de “Guernica” s’est imposée naturellement, et l’idée d’un hommage a peu à peu fait son chemin. Si la mise en place de la scène fait effectivement écho à celle du tableau de 1937, la vision reste personnelle, attachée à l'esthétique street art de Comoseta, et le traitement des personnages fait référence à ses propres créatures, ses propres motifs.

Ainsi, la souffrance s’exprime ici par le biais d’êtres ou d’animaux conçus au hasard des envies, à l’apparence non pas difforme, mais bel et bien monstrueuse, comme sont monstrueuses les conséquences de la guerre et des violences de nos sociétés modernes. Le décor, flou, vaporeux, vient poser un espace à l’ambiance morne, sentant la mort et la destruction.

La femme à l’enfant, à gauche de la fresque, est sans doute l’un des personnages clés de ce projet. Son regard vide aux pupilles absentes, sa chevelure sinueuse inspirée de la gorgone Medusa et l’enfant mort dans ses bras font résonner des souffrances très intimes, et expriment une colère indicible, dévastatrice. En plein désarroi et comme pétrifiée, cette créature évoque la silhouette d’un arbre encore enraciné, mais en cours de disparition, d’effacement, comme le sont les sociétés violentées par des événements qui les dépassent.

A sa droite, le Minotaure endosse le costume du bourreau et flirte avec la part bestiale tapie en chacun de nous : brutal, destructeur et sans contrôle, il exprime la face noire de la nature humaine. Fier, dominateur, il porte des tatouages inspirés des mythologies celtes et des cornes bardées d’yeux comme pour mieux surveiller, punir et réduire à néant.

La technique utilisée pour cette création est mixte et combinant des dessins sur papier à la mine de plomb, des empreintes de tracés au stylo sur papier carbone, le tout étant ensuite assemblé et retravaillé sur ordinateur afin de permettre la réalisation d’une fresque de grande taille dans un espace de travail restreint. Conçue au départ comme un collage géant, la fresque a donc grandi au fur et à mesure de la création de ses décors, et de ses “habitants”. L’idée initiale, était de la partager facilement et de manière éphémère sur les murs des villes. La fresque finale possède des dimensions assez proches du projet d’origine, permettant un collage urbain de 8,6m x 3,6m.

Consulter le book de Comoseta

Retour à la rubrique
"Éclairages"